La fascination de l’étrange

Etrange univers s’il en est que celui de Jean-Pierre FRUIT, peintre qui part de la nature pour en traduire les formes stupéfiantes et les constantes métamorphoses dues au passage du temps et au mouvement des saisons. Par sa déroutante plongée dans le monde organique et les bizarreries du végétal, cet artiste assez atypique s’est peu à peu affranchi des genres, des écoles et des a priori techniques pour inventer sa propre langue dans laquelle, fréquemment, surgissent des reliefs, comme si le sujet décidait tout à coup de s’affranchir du cadre qui l’enferme. La pratique assidue du dessin (étape incontournable pour quiconque prétend faire œuvre d’art) fut, aux yeux de Jean-Pierre Fruit, essentielle, pour entrer en peinture. Sa fréquentation des ateliers de Denis Godefroy et des membres de l’UAP (qui fit suite à sa rencontre avec Gérard Gosselin à Canteleu), furent sans doute des étapes déterminantes dans ce qui allait enfin devenir son processus de création. Il en alla de même avec sa découverte de Bourquin et de Marie-Cécile Aptel, artistes dont l’exigence ne peut s’accommoder d’amateurisme.
Au terme d’un patient cheminement, ayant pu accéder à une certaine autonomie artistique, Jean-Pierre Fruit éprouva le besoin d’avoir recours à la matière tout en pratiquant la gravure. J’ai toujours aimé chercher, précise-t-il, au cours de l’entretien qu’il m’accorde dans son atelier de Rouen. Manifestant une certaine attirance pour le bas-relief, en partie inspirée par son observation de l’art sacré, Jean-Pierre Fruit révèle un style relativement fouillé, n’hésitant pas à détailler et à décortiquer les objets qu’il observe. La nature, en ce domaine, ne cesse de lui tendre des défis, car, en matière de création, elle a toujours une bonne longueur d’avance sur nous. On peut même dire qu’elle inventa l’art abstrait bien avant les peintres.
Toute démarche artistique n’ayant de sens qu’à partir des réactions et des engouements qu’elle suscite, Jean-Pierre Fruit s’avoue très sensible aux commentaires des spectateurs, en particulier des enfants qui, comme chacun sait, ne s’encombrent jamais de protocole pour exprimer ce qu’ils ressentent. S’appliquant à varier les supports et procédés de sa recherche (cela va de la toile au délicat papier de Chine, de la peinture au lavis brun), Jean-Pierre Fruit pratique ce qu’il appelle un travail de recyclage et d’embaumement. Il aime redonner vie à ce qui a déjà vécu. Son atelier ressemble à un cabinet de curiosités, un laboratoire où de bien surprenantes créatures prennent naissance, un espace hors-temps où cohabitent plusieurs époques, plusieurs strates de mémoire dont il connait chaque jalon. Semblant revendiquer une forme d’autodérision, il fait de chaque expérience un jeu. De la décomposition à la recomposition, il fait parler ce dont, habituellement, le regard se détourne par paresse ou pure distraction.

Luis PORQUET, écrivain - critique d'art



The Fascination of the Strange

Here is a strange world if ever there was one. Painter Jean-Pierre Fruit draws on nature in order to convey its astonishing shapes and the constant transformations that take place with the passing of time and seasons. By taking a disconcerting plunge into organic matter and the oddities of the plant world, this fairly atypical artist gradually freed himself from genres, schools of thought and technical “a priori” in order to invent his own language, one which often includes reliefs, as though the subjects suddenly decide to break free from the frame holding them. His assiduous practice of drawing (a prerequisite for anyone claiming to produce artwork) was, in Jean-Pierre Fruit’s eyes, an essential “way into painting”. Taking workshops with Denis Godefroy and rubbing shoulders with members of the Union des Arts Plastiques (after meeting Gérard Gosselin in Canteleu), were undoubtedly determining stages in what was to become his “creative process”. The same went for his discovery of artists Bourquin and Marie-Cécile Aptel, whose high standards left no place for amateurism.
After progressing steadily and having reached a certain artistic autonomy, Jean-Pierre Fruit felt the need to exploit natural materials whilst continuing engraving. “I’ve always liked experimenting,” he explained in the interview he granted me in his Rouen studio. Showing a certain propensity for bas-reliefs, partly inspired by his study of sacred art, Jean-Pierre Fruit displays a relatively meticulous style, not hesitating to dissect the objects he observes. In this respect, the environment is constantly offering him new challenges because, when it comes to “creation”, nature is always way ahead of us. It could even be said that it invented abstract art well before painters.
s an artistic approach gains meaning only from the reactions and passions that it excites, Jean-Pierre Fruit admits to being very sensitive to viewers’ remarks, especially those of children who, as everyone knows, never let etiquette stop them from expressing what they feel. Aiming to vary his supports and lines of research (they range from canvases to delicate China paper, from painting to brown washes), Jean-Pierre Fruit practices what he calls “a process of recycling and preservation”. He loves restoring life to that which has already lived. His studio resembles a curiosity shop; a laboratory where surprising creatures come into being. It is a space outside of time inhabited by several eras as well as several layers of memory, of which he knows every recess. Appearing to assert a form of self-mockery, he turns every experiment into a game. From decomposition to recomposition, he gives a voice to that which the eye usually passes over out of laziness or pure inadvertence.

Luis PORQUET, writer - art critic



Bien à l’image de sa culture et de sa personnalité engageante et cordiale, Jean-Pierre FRUIT s’est longuement imprégné des ressources de la matière et de la couleur pour créer ses superbes compositions issues d’une recherche répétée de motifs naturels, d’un fin réalisme tout à fait linéaire.

Ainsi se montre la marque de son esprit faite de grâce généreuse mais aussi audacieuse, et qui maîtrise un écho émouvant construit d’élévation formelle et de fins réseaux qu’accentue la présence de couleurs précieuses et inédites, telle l’impalpable lumière qui traverse et ennoblit les vitraux.

Mais Jean-Pierre FRUIT n’en n’est pas moins novateur avec ses motifs tracés au pastel gras sur la même forme et que parcourt un entrelacs de minutieuses et élégantes nuances, sans oublier ses étonnants motifs où communient le tracé subtil de la mine de plomb avec le froissé maîtrisé du papier blanc immaculé.

André RUELLAN, critique d’art.

Reflecting the image of his culture and his engaging and cordial personality, Jean-Pierre FRUIT deeply impregnated himself with the ressources of the media and color to create his superb compositions, the result of a constant search for natural themes, of a fine completely linear realism.

Thus appears the mark of his spirit made of generous but also daring grace, and who masters a moving echo built of a formal elevation and of fine networks accentuated by the presence of precious and novel colors, such as the implapable light which crosses and ennoble stained glasses.

But J-P. FRUIT is not less of an innovator with his patterns traced by oil pastel on the same form and traversed by an interlacing of meticulous and elegant nuances, without forgetting his astonishing designs which fuse the subtle layout of the black lead stick with a choice of ruffled immaculate white paper.

André RUELLAN, art critic